La Fuite.
Sylvia - Bonjour mon chéri, cela fait
longtemps que tu n'es pas venu voir maman... Comment vas-tu ? Tu n'as pas bonne
mine...
Joseph
- J'ai recommencé à fumer...
Sylvia
- Quoi ? Est-ce que tu sais que le petit-fils de madame Gourmel est mort d'un
cancer l'année passée ?
Joseph
- Tu lui présenteras mes sincères condoléances...
Sylvia
- Pourquoi autant de cynisme ? Tu vas me faire le plaisir d'arrêter de fumer !
Joseph
- Non. C'est déjà bien assez dur sans se priver systématiquement de divers
choses. Et au nom de quoi devrais-je arrêter de fumer ? Au nom de la santé ? A
quoi sert la santé si l'on ne vit pas ? Je préfère vivre deux ans libres et
heureux que cent ans sobres et fades.
Sylvia
- Très bien, je suppose que je ne pourrais pas te forcer. Pourquoi tu ne me
présente pas ta petite amie ?
Joseph
- Je l'ai quittée.
Sylvia
- Mais pourquoi ?
Joseph
- Je l'ai quittée avant qu'elle ne me quitte... Jamais je ne laisserai à une
femme le plaisir d'avoir été plus forte que moi.
Sylvia
- L'amour n'est pas une faiblesse.
Joseph
- Bien sûr que si. Un homme fort peut être amoureux mais un homme amoureux ne
peut être fort. L'amour c'est s'ouvrir à l'autre, s'ouvrir à l'autre pour qu'il
puisse entrer en vous. Et lorsqu'il s'y est installé il peut tout détruire.
Dans un couple, il y a celui qui aime, et celui qui détruit. Bien sûr, celui
qui détruit ne le fait pas toujours consciemment mais cela ne change rien au
résultat.
Sylvia
- Ce n'est pas en tenant de pareils discours que tu vas me faire des
petits-enfants.
Joseph
- La vie est trop courte pour s'occuper de telles futilités. Enchaîner sa vie à
un boulet organique c'est une décision à ne pas prendre à la légère, et pour le
moment j'aime me sentir léger.
[La Fuite - Acte I, Scène 1 - Georges Gargam - 1987]